• *Alors que Wyr s'est toujours efforcée de tenir son carnet à peu près propre et lisible, bon nombre de ratures se trouvent dispersées sur cette page. Elles semblent avoir été faites dans le but unique de se défouler. L'écriture de Wyr est d'ailleurs reconnaissable mais les lettres laissent transparaître la haine qui l'habitait lorsqu'elle a rédigé ce texte.*

    Comment ai-je pu être aussi aveugle ?! Comment j'ai pu... Louper ça ! Et comment a-t-elle osé ne rien me dire ! Si je m'écoutais, je lui balancerais toute la colère, toute la déception qui m'habite à la figure. A défaut de ça, il ne me reste que toi, pauvre carnet, que je maltraite. Désolée, je ne peux pas faire autrement.

    Je comprends mieux la volonté d'Elvawen de donner à cette... créature un nom plus personnel que "l'Autre". Evidemment, oui. Bien sûr, donnons-lui mon nom d'emprunt et un petit surnom, "Grenouille", en prime. Ah, qu'est-ce que j'ai été conne... "Elle m'a forcée, ce n'est pas ma faute." "Je sais Elvawen, tu n'as rien à te faire pardonner". Ouais, je connaissais les penchants particulièrement pervers et masochistes de l'Autre mais imaginer une seconde qu'Elvawen les acceptait et pire encore, les appréciait...

    Par je ne sais quel moyen, cette saloperie d'Autre a réussi à attirer l'esprit d'Elvawen dans ce qu'elle appelle son parc : une espèce de terrain mental dont elle s'est emparée (elle m'a interdit d'y venir) et qui semble être le "lieu" par lequel l'Entité effectue ses attaques mentales. Bref. Elva' a pu la voir telle qu'elle était mais à défaut d'y voir l'abomination, elle y a vu... Je sais pas. C'est même pas concevable pour moi. Alors elle est revenue lui rendre visite plusieurs fois, pendant que je dormais. Dans mon dos. Sans que je m'en rende compte. Alors qu'au fond, on partage le même plan spirituel. Et c'est là que leurs liens se sont resserrés. C'est là que l'Autre lui a offert son cadeau empoisonné. "Elle n'est pas mauvaise. Elle a juste besoin de tendresse. C'est sûrement une bonne chose pour nous, pour lutter contre l'Entité."

    Merde.

    *Victime de sa colère, Wyr laisse une énorme ligne noire qui, sur la fin, a réussi à traverser la page et à la trouer.*

    Elle a abusé de ma confiance pour me voler Elvawen... Pour fracasser mes projets à grand coup de pieux dans la tête. Pour... Non, je n'ai même pas envie de l'écrire. Je n'ai pas envie d'y croire.

    Mais y'a pire encore. Le pire c'est que j'ai dit à Elva que c'était pas grave. Que je comprenais. Que je ferais avec s'il fallait. Le pire c'est que ça me serre le cœur et que quand je songe un instant à couper tout lien avec Elvawen, je réalise que je l'aime beaucoup trop pour ça. Je ne peux pas m'y résoudre. Et j'ai pas le choix surtout, pas le choix de me débarrasser de l'Autre, pas le choix de l'aider ou non. Je suis son jouet, sa victime.

    Je sais que tu liras ça, "Grenouille", alors saches une chose :
    J'espère que l'Entité t'emportera avec elle dans sa mort.


  • Youpi, le ciel est bleu, les monstropiafs chantent et notre maison a été détruite. Allez, je ne vais pas être trop pessimiste : j’ai encore le carnet. Moi qui ne l’emporte jamais avec moi d’habitude, j’ai bien fait de le faire ce jour-là... Comme si je m’attendais à ce qu’il se passe quelque chose. Il fallait s’en douter de toute manière : même si l’Entité a du pain sur la planche, l’Autre fait désormais bel et bien partie des menaces qu’elle doit éliminer et l’attaque mentale qu’elle nous a livrée quelques jours auparavant n’était qu’un avertissement – même si elle a failli me rendre borgne.

    Ok, faisons le point. J’étais en mission avec l’Autre lorsque tout ça est arrivé. Je venais tout juste d’apprendre qu’il y avait la possibilité de séparer les consciences de Druséra et de l’Entité et je m’apprêtais à rentrer annoncer la bonne nouvelle : si c’est possible de faire ça pour le Primo Genesis, alors c’est aussi possible de me séparer de l’Autre. Sauf que j’ai reçu un signal de la sonde corrompue, cette même sonde qui ne s’active que lorsqu’il y a une forte concentration d’énergie primaire ou de souillure à l’endroit où elle se trouve... Et elle était justement à la maison ! Ni une ni deux, j’ai enfourché mon unilame et j’ai appelé Elvawen, restée elle aussi chez nous. Lorsqu’elle a décroché, j’ai tout de suite senti que quelque chose n’allait pas : effectivement, elle était attaquée. Elle avait eu le temps de verrouiller la porte mais elle ignorait encore ce qui se présentait à elle. Ca rôdait autour de la maison.

    Je crois que je n’ai jamais fait autant d’excès de vitesse que ce jour-là. J’ai fait hurler le moteur de mon unilame pour arriver en un temps record à la maison et ce que j’ai vu m’a glacé le sang : des Skurges. Il y avait des Skurges partout autour de la maison, au moins une dizaine. Quand j’en ai vu un disparaître au dessous de la maison – nous l’avons construite en hauteur –, j’ai immédiatement compris qu’ils avaient localisé la trappe que j’utilisais parfois pour descendre de lourdes charges. Eux aussi m’ont repérée et deux groupes se sont alors formés : l’un se dirigeait vers moi tandis que l’autre continuait de se faufiler par la trappe.

    Je ne sais pas pourquoi mais à ce moment précis, mes mains se sont refermées avec force sur les poignées de direction de mon unilame. J’ai eu à peine le temps de comprendre que c’était l’Autre qui me contrôlait lorsqu’elle a hurlé quelque chose comme « JE PREFERE GRENOUILLE ! »... Illogique, complètement illogique. Ils nous avaient déjà vues alors, pourquoi attirer davantage l’attention ? Je ne l’ai compris qu’après, avec les explications d’Elvawen, mais l’Autre prévenait ma petite cassienne qu’il allait y avoir du dégât. Sans pouvoir y faire quoi que ce soit, elle a tourné la poignée, a pris de la vitesse en un rien de temps et a foncé tout droit sur les fondations de notre maison. Un vacarme sans nom a accompagné la destruction de l’œuvre dans laquelle j’avais mis tant d’énergie mais sur le moment, je n’ai pensé qu’à une chose : Elvawen.

    Heureusement, elle a compris le message. Je l’ai vue atterrir souplement et éviter les débris qui tombaient mais autre chose m’a alertée : il y avait près d’elle une copie conforme de l’Autre, telle que je la vois à travers mon esprit. En un peu plus immonde, peut-être. Elle ne cherchait pas tant à faire du mal à Elva’ mais je crois au contraire qu’elle cherchait quelque chose... Immunisée contre la corruption, ma petite cassienne a réussi à frapper au moment où la copie de l’Autre s’y attendait le moins, ses défenses fragilisées par la surprise de ne pas réussir à prendre son contrôle.

    Nous avons été forcées de déclencher un incendie tandis que l’Autre, la vraie, repoussait une attaque mentale. Les flammes ont très vite pris de l’ampleur et ont englouti notre maison ainsi que quelques Skurges, aveuglés par la fumée. C’était évident que si on restait ici, on allait y passer : on a profité de ce moment de déroute pour prendre la fuite.

    Dans l’histoire, l’Entité a été plus gagnante que nous. Contre le sacrifice de quelques Skurges, elle a réussi à nous déloger, à nous blesser, à affaiblir l’Autre et à corrompre mon fidèle trask de jungle, parti de leur côté. Toutefois, elle n’a pas obtenu ce qu’elle voulait à l’origine : la sonde. Encore une fois, cela prouve qu’elle est plus précieuse qu’elle en a l’air et qu’il est impératif de la protéger.

    Pour l’heure, nous voici cachées à l’abri de la pluie dans une grotte. Je n’ai même pas pris la peine de savoir où nous nous sommes dirigées. Tout ce qui comptait, c’était s’éloigner des Skurges. Nous n’avons plus rien à perdre maintenant, hormis notre temps : nous nous mettrons donc en route vers la première structure primaire dès demain matin.


  • ● Le reflet d'une draken faibleMoi qui pensais que l’Entité ne pouvait nous attaquer que par le biais de l’Autre ou de sa souillure, je me suis trompée. Elle a réussi à s’infiltrer dans mon esprit. Je sais qu’elle n’était pas vraiment là mais j’ai distinctement senti sa puissance m’écraser, sa toxicité brûler ma chair et ses bras difformes entourer la petite chose que j’étais, non pas pour me rassurer, mais pour m’étouffer. Au départ, ce n’était qu’une sensation, le genre de choses que l’on ressent dans ces rêves dont on ne peut s’extirper. Puis la douleur a commencé à me brûler, au niveau du visage. Lorsque je me suis réveillée, je n’étais plus dans mon lit mais dans la salle de bain et mes yeux étaient posés sur le reflet dans le miroir : j’étais littéralement en train de me griffer le visage à sang, sans parvenir à me contrôler, sans réussir à m’arrêter. Et je m’observais, là, comme s’il s’agissait d’un spectacle auquel j’étais obligée d’assister. Un long et douloureux spectacle.

    Je me suis demandé ce que faisait l’Autre, elle qui avait pourtant toujours veillé à ma protection. Je ne sentais plus sa présence, comme si elle avait littéralement disparu de mon esprit. Mais la souillure était bel et bien là, sur mon corps, à l’intérieur de moi, et je la voyais évoluer progressivement tandis que l’Entité m’infligeait son courroux. Puis j’ai senti la chaleur de l’Autre s’éveiller, sa volonté tenter de reprendre maladroitement le contrôle de la situation. Je suis parvenue à baisser les bras et mon premier réflexe a été de sortir de la salle de bain dans l’unique but de ne plus me voir, de ne plus devoir subir l’image de cette draken ensanglantée et dont le visage commençait à être touché par la corruption.

    Les pas précipités dans les escaliers m’ont permis de penser à autre chose qu’à ce que j’étais en train de vivre. Elvawen avait-elle été avertie par l’Autre pour se réveiller en même temps qu’elle ? Toujours est-il qu’elle a tenté de me rassurer tout en s’armant de choses et d’autres pour me soigner. J’avais presque honte de la regarder en face tant ma propre image me répugnait. Mais j’ai quand même levé les yeux, ou plutôt le seul ouvert, puisque la paupière de l’autre me faisait bien trop mal pour la bouger.

    La corruption a gagné, cette fois-ci. J’ai eu tord de relâcher mon attention, pensant être un tant soit peu à l’abri, loin des lieux que détient l’Entité. Le temps presse mais je me sens trop faible pour affronter ce qui nous attend sur la route. Vais-je y passer avant de parvenir à mes fins ? 


  • Voilà un petit bout de temps que je n'ai pas écrit ici. A vrai dire, c'est un peu tout ou rien en ce moment : y'a des jours où les choses se passent bien, d'autres non. Je ne trouve pas toujours la foi d'ouvrir le carnet pour y noter le souvenir mes journées, surtout lorsqu'elles ont été mauvaises.

    On ne perd pas notre objectif de vue. Les recherches sont pour l'heure assez infructueuses mais on ne baisse pas les bras et nous comptons bien nous emparer des structures primaires nécessaires à la matérialisation et à l'ascension de l'Autre... Elle souhaite que nous cartographions du mieux que possible les lieux accessibles de Nexus et c'est ce que nous faisons : elle essaie, je crois, d'établir un potentiel lien logique entre les cachettes des structures primaires mais tout semble indiquer que ce n'est pas le cas. Elles peuvent donc se trouver n'importe où, non-loin d'ici ou à l'autre bout de Nexus... Ca fait large à ratisser.

    Nous avons choisi de faire un tour au Nord de Valblanc. C'est dans ces régions que se sont installés les Exilés. Malgré mon statut pacifique, nous avons opté pour la prudence et avons choisi de marcher à l'écart des chemins fréquemment empruntés pour ne pas avoir plus de problèmes que nous en avons à l'heure actuelle. Je n'imagine même pas la réaction des Exilés s'ils tombaient nez à nez avec une cassienne et une draken à moitié corrompue...

    J'ai pris soin de noter la position des constructions Eldans sur la carte que nous nous appliquons à compléter pour savoir où chercher en priorité mais rien ne nous dit que les structures primaires se trouvent dans un labo... Ce serait trop facile et beaucoup de personnes auraient pu mettre la main dessus avant nous.

    Autre chose importante : la corruption qui m'atteint n'a pas évolué et c'est pour moi une bonne chose. J'ai remarqué que l'Entité avait moins d'emprise sur moi lorsque je m'éloignais des lieux qu'elle détenait... J'imagine que cela ne durera pas mais c'est encourageant : c'est qu'elle ignore où je me trouve et que nous avons encore un peu de temps avant que je ne perde peut-être complètement la boule. L'Autre s'applique à remplir sa part du marché : me protéger. Cela ne fait que compliquer la tâche de l'Entité, repousser l'influence qu'elle a sur moi et par extension, l'influence qu'elle a sur l'Autre dans mon corps corrompu. J'imagine que si elle parvient à prendre le contrôle de l'Autre, il en est fini de moi... Mais je préfère ne pas y penser. On s'en sort bien et c'est tout ce qui compte pour le moment.


  • Je n'arrive pas à dormir. J'ignore comment Elvawen fait mais je l'envie... Je n'ai pas l'esprit tranquille. Surtout depuis les derniers événements et les éléments de vérité qu'ils ont apportés...

    Je m'en étais doutée sans vraiment vouloir le croire. La disparition de Druséra à chaque fois que l'Entité apparaissait... Ses silences face à des questions cruciales... Et cette manie de repousser encore et encore le moment de vérité. Je savais qu'elle connaissait l'origine de l'Entité, ça ne faisait aucun doute. Mais maintenant, je sais pourquoi : l'Entité, c'est elle. J'ai craint cette hypothèse et la voilà devenue vérité. Qu'est-ce que ça signifie, au final ? Que l'on doit détruire Druséra ? L'Entité et elle ne sont qu'une seule et même âme, comment pourrait-on éradiquer l'une sans condamner l'autre en même temps ? Peut-on au moins détruire le Primo Genesis ? Vous n'imaginez pas le choc que j'ai reçu en découvrant le frêle corps de Druséra emprisonné à l'intérieur de la flèche. Là, sous mes yeux, roulée sur elle-même en position fœtale. Ca me fait... beaucoup de peine. Le visage de cette jeune femme, à la fois doux et suppliant, me hante depuis cet instant... Tout comme le sourire macabre de l'Entité.

    La flèche de Lumière peut encore tenir un peu avec nos efforts et celui des deux factions unies face à l'adversité... Mais pour combien de temps encore ? Je doute que quiconque soit capable d'affronter le côté obscur du Primo Genesis une fois qu'il sera libéré... Tsssk, les Eldans auraient du s'abstenir de créer un être aussi puissant... Aussi gentille sa part de lumière soit-elle.

    Tout cela n’a pas retourné que moi. Elvawen aussi s’est rendue compte de l’ampleur du problème... Même l’Autre, qui n’a jusque là montré aucun de signe de faiblesse, a exprimé sa surprise face à la vérité. Visiblement, elle-même l’ignorait et cela doit sûrement la pousser à réviser ses théories de destruction de l’Entité. C’est sûr qu’entre foutre une raclée à une puissante créature opposée à Druséra et éradiquer le Primo Genesis lui-même, il y a un monde... Enfin, pour moi, en tout cas. C’est comme devoir se mesurer aux deux créatures les plus puissantes de l’univers au lieu de se contenter que d’une...

    Depuis notre passage par la flèche de la Lumière, l’Autre a... changé. Je la sens beaucoup plus méfiante et réfléchie. Même ses piques verbales se sont estompées. Et puis, il y a ses étranges pertes de contrôle... Je le sens aussi bien physiquement que mentalement. Lorsqu’elle marche, il lui arrive de chanceler. Je sens ses pensées devenir floues et sa conscience s’effacer temporairement, comme si quelqu’un cherchait à l’arracher de mon corps, à la contrôler... Elvawen, inquiète, a vérifié que la corruption n’avait pas gagné un peu plus de terrain sur moi mais rien ne semble avoir évolué pour le moment... L’Autre nous a simplement dit que l’Entité « n’était pas contente du tout » et qu’elle se trouvait dans la situation d’une « enfant qui a fait une bêtise et qui sait qu’elle va se faire gronder ». J’imagine que l’Entité ignorait qu’une créature de son propre clan œuvrait dans l’ombre pour se retourner contre elle et qu’elle l’a découvert lorsque nous avons refermé les failles avec son aide... Ce qui m’effraie surtout, c’est la soudaine volonté de l’Autre d’accélérer la réalisation de ses projets... Et son inquiétude. Visiblement, l’Entité commence à s’intéresser un peu trop à elle. Heureusement qu’elle a beaucoup à faire ailleurs, sinon l’Autre n’existerait sûrement déjà plus à l’heure qu’il est et moi... Moi, je serais peut-être devenue une de ses hideuses créatures.

    ● Et la vérité jaillit au grand jour

    Dans cette triste histoire, j’ai quand même obtenu une importante réponse à l’une de mes questions : quel est le but de l’Autre ? C’est tellement con que j’ai honte de ne pas y avoir pensé plus tôt... Elle veut rassembler les six structures primaires et accéder à la machine qui a créé Druséra (et l’Entité...) pour se matérialiser et devenir le nouveau Primo Genesis. Je sais qu’en réalisant cela, elle pourra lutter et détruire l’Entité mais est-ce nécessaire de supprimer une menace pour en amener une nouvelle ? Est-ce que le monde sous le contrôle de l’Autre sera plus acceptable ? Ca, j’en doute...

    NB : Je commence à croire qu’en plus de la conscience et de la volonté dont elle fait dotée, l’Autre commence à découvrir les sensations et les sentiments. Elle a suggéré à Elvawen de se tenir loin de nous comme pour... la protéger.